Day 15
Pour ce dernier jour à San Fransisco je me sens comme obligé de faire un maximum d'activités...je dois culpabiliser de cette journée sur le canapé hier. Je me sens léger à marcher sans planche à la main ni sac géant sur le dos. Je commence à explorer chaque boutique sur Telegraph à Berkeley et je me rends vite compte que je ne suis pas fait pour le shopping, bien que chaque magasin contienne moultes curiosités qui devraient, normalement, me procurer des pulsions d'achat. Pourtant, rien. Je quitte Berkeley avec un dvd d'occasion dans mon sac.
Une fois à San Fransisco, j'opte pour un quartier touristique en me disant que je ne pouvais pas venir ici sans avoir vu union square et ses environs, voir les vieux tramway en bois grimper Hyde street, explorer chinatown en profondeur et prendre une photo du trans am. Et bien si, j'aurais pu faire sans. J'aurais du. Déambuler seul toute une journée, sans parler bien qu'entouré de millions de touristes me plonge systématiquement dans un recoin mental où je n'ai pas envie de trainer. Je ressens un melange de solitude et de culpabilité de ne pas être capable d'apprecier ce qu'il m'est donné de voir. Ensemble seul. Encore.
Je decide de mettre fin à ma tentative de shopping alors que je passe devant Macy's. Il s'agit d'un grand magasin présent dans chaque grande ville des états unis et pour Noël ils mettent tout leurs efforts dans leurs vitrines. Je me souviens d'avoir vu à New York des mécanismes complexes qui entraînaient de multiples marionnettes, petit train, rivière et fumée. A renfort de grands moyens, la magie de noël était là; les plus riches regardaient un instant et les plus pauvres rêvaient longuement devant les grandes vitrines animées. Cette année, les responsables de Macy's San Fransisco ont optés pour un tout autre concept et alors que je descend vers la station de BART de Powell street je vois, ammassés devant le magasin une multitude d'enfants et de parents plus hystériques les uns que les autres. Derrières les vitres, des grands et colorés décors de Noël et au milieu, ni robot, ni marionnettes, mais des chats. Vivants. Bravo Macy's. Ses pauvres bêtes en pleine lumière jour et nuit pendant un mois, les enfants qui tapent sur les vitres et les mamans qui tapent encore plus fort et hurlent pour retenir l'attention des bêtes un instant histoire de faire sourire leur progéniture. "bum,bum,bum regarde Jason, regarde comme il te fixe, il t'aime bien dis donc, bum,bum,bum, oh oui, oh oui, qui c'est qui a un nouveau copain, c'est Jasoooon"
Devant un tel spectacle, je préfère retourner de l'autre coté de la baie et éviter tout centre ville jusqu'à ce que Noël soit passé.
De manière générale je commence à fatiguer par toute cette activité, toutes ces informations chaque jour, toutes ces personnes croisées, ces nouveaux endroits, je comprends mieux pourquoi le citadin développe des oeillières et s'enfuit dans un individualisme salvateur. A ce moment mon village me manque, me lever le matin en sachant que ma seule activité sera de couper mon bois, faire a manger et nourrir mon chat et mes poissons, tout simplement. Quelle paix ça sera de ne plus regarder chaque personne croisée en essayant de savoir qui elle est, où elle va et quelle est son histoire et puis découvrir un lieu nouveau a chaque coin de rue, cette multitude de nouvelles données pour mon cerveau, je suis gourmand alors je veux toutes les caser là dedans et ça me fatigue physiquement. La campagne me sauve de cette hyper activité mentale.
C'est à Oakland que nous passerons la soirée avec mes hôtes. Cette fois ci, je découvre un autre coté de cette ville. Un quartier entier de galleries, ateliers d'artistes, bar branchés ou tout est bio, organique, glutene free etc.
Pour faire un comparatif, à coté de ces expositions, le quai aux arts Strasbourgeois s'apparente à la galerie Tate de Londres. L'art amateur américain se rapproche plus de l'artisanat de village de vacances que d'un mouvement artistique quelconque. Il y a toujours le jeune artiste torturé qui peint des scènes morbides avec un peu de son propre sang et deux ou trois ossements, généralement il y a des petits messages sans fond du genre "hope" "faith" "death" ou bien pire "love", il y a la serie de photo numeriques encadrés par Ikea d'adeptes du sado masochiste ou des copains junkie, on trouve le couple de filles qui font des bijoux et dansent les yeux plein d'amour devant leur boutique, et puis l'artiste plus agé qui peint en projetant des photographies sur une toile et les recouvre ensuite de résine mal étalée et ainsi interloquer le visiteur par une image sans intéret. Celui ci est plus gourmand, il fait des grandes tailles, il vend aux médecins et aux avocats. Je m'approche. 11500$. Jusqu'à lors je n'avais même pas envisagé que tout ceci avait un prix, je pensais que c'était juste une réunion de quartier ou chacun montrait ce qu'il s'entraînait à faire. Mais non, tout cette mascarade heureuse est un commerce.
Pourtant, au milieu de tout ces hipsters et ces vieilles dames prof d'art plastique à lunettes exubérantes, cette foule souriante et prétentieuse, l'ambiance est agréable, je suis juste un français aigri et bien trop difficile. On y mange du fromage et on boit du vin, quelques mots sont lâché en français, on cite des références qui font bien dans ces moments là et surtout on ne dit jamais de mal de quoi que ce soit, surtout si on n'apprécie pas. Idéalement on lâche un long "whhhoooooaaaouuu, I love your art...and those glasses, my gooood". Bref, assez pour aujourd'hui, la journée ne peut pas se finir comme ça.
Un nom pour sauver la journée "Van Cleef".
Devant le bar un grand type interrompt la lecture de son livre "war trash" pour vérifier notre âge. Sur des tabouret derrière lui, 4 hommes portent chapeaux et moustaches et fume en silence, dans le Bar les 3 serveuses sont souriantes et ravis d'être là. Aux écrans plasma des bars californiens se substituent de la taxidermie, des sculptures en tout genre, des représentations de singes un peu partout, des bustes de personalités, une peinture géante ou Picasso déjeune avec Van Gogh, keith Richards, Gandhi ou encore le Dalai lama, derriere moi un tirage original d'une photo de Marylin Monroe, les chaussons de danse célèbres et puis une tête d'élan immense qu'on chassé ensemble Hemingway et Gary Cooper. Nous nous enfonçons dans l'atmosphere rougeoyante du lieu et au fond, sur une petite scène une longue femme en costume orange se prépare, à coté d'elle un gars sans âge porte son saxophone à sa bouche et un concert de jazz commence.
Monsieur Van Cleef est un petit homme aux long cheveux blancs et à la queue de cheval, il court dans tout les sens constamment, règle le son, parle aux clients, discute avec ses employés, un type qui a vu beaucoup de choses et vit encore avec passion. Un irréductible, enfin. Je me sens instantanément bien dans ce lieu. A cté de moi une sorte de Kate moss aux yeux fermés sculptée dans du plâtre est entouré de fémur et tout un tas d'autres objets loufoques. On nous sert des Greyhound, un mélange de pamplemousse pressé et de vodka servis dans un grand verre a whisky. je regarde au bar chaque personne en a un posé devant lui, derrière le bar des montagne de pamplemousses remplisse les étagères et les poubelles.
Devant la scène une fille à la très forte poitrine danse et frotte sa robe rouge moulante à un danseur plus maladroit et au fessier aussi proéminent que les seins de sa partenaire. Le spectacle nous occupe alors que les verres se vident. Le groupe fait une pause, je fais un compliment à la grande dame pour le costume orange, nous nous enfuyons vers Berkeley et je me couche heureux d'avoir un nouveau bar préferé, un îlot de bon goût et d'authenticité au milieu d'une mer d'imposture et de paraître. Café Van Cleef, ton bar favori, Müjde. On se retrouve. Je ne suis pas seul. Ensemble.
3 commentaires:
les hipsters. c fou mais ca me deprime en fait.
et la PABST est la pire biere du mone. une cuite a la PABST = 2 jours au lit
Très beau récit de voyage. Je m'imagine, déambulant dans les rues, au milieu de la foule, dans une solitude qui me permettrait de contempler l'agitation tout en y étant étranger. J'apprécie aussi beaucoup les photos, qui illustrent parfaitement ces récits.
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